Exercices et jeux d’écriture | Blog Littérature Cyniquetamere

Des contraintes de temps, de format ou des mots imposés, voilà comment peaufiner son style et nourrir sa motivation littéraire. Découvrez des jeux d’écriture et autres exercices : tautogramme, alexandrins, poésies en rimes ou encore lipogramme à la manière de Georges Perec et du collectif OULIPO.

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Canicule et cœur glacé – histoire courte

Voici venu le moment de parler de mon crime. Non pas qu’une quelconque instance juridique m’y oblige. D’ailleurs, est-ce vraiment un crime ? Isolé de toutes circonstances, mon acte est odieux, j’en conviens. Mais laissez-moi vous conter les événements ayant fait naître en moi cette pulsion abominable.

Une chaleur harassante. De celle qui vous empêche de dormir. Qui vous étreint dès les premières lueurs du jour et qui resserre son emprise tout au long de la journée. L’atmosphère est lourde, pesante, au point de vous faire suffoquer et d’altérer votre réflexion, votre esprit de discernement. On sent une tension dans l’air. Les nerfs sont à vif lorsque la mollesse et l’oisiveté nous sont imposées.

Attendez chers lecteurs. Je ne suis pas en train de justifier mon forfait par une mauvaise nuit et quelques excès de température ! Je pose le cadre de cette journée épouvantable, voilà tout. La sueur perlait le long de mon dos. Dès lors que je levais le bras pour éponger mon front moite, une odeur acide et nauséabonde venait embaumer mes narines. C’était encore le matin. Les minutes semblaient des heures. C’est alors qu’à germé l’idée en moi.

Ma femme m’avait pourtant interdit de l’approcher. Elle connaît mes sautes d’humeur et mon absence de réflexion lorsque je suis à cran. À cet instant précis, je n’avais cure de ses injonctions. Toutes mes tentatives pour trouver de la fraîcheur furent vaines ou trop éphémères. Douche glacée, éventail, ventilateur qui brasse l’air chaud et autres subterfuges n’ont pas réussi à m’apaiser. J’avais un réel besoin de m’extirper de mon corps, de me focaliser sur autre chose. Aveuglé par mes envies d’évasion, par la nécessité d’oublier un temps cette touffeur qui m’oppressait, je me suis donc dirigé doucement vers l’objet de ma convoitise, vers le lieu défendu.

Elle était seule. (suite…)

pension amour nouvelle bukowski

Nouvelle à la Bukowski – Pension de l’amour

26 jours de mer putain. Un bail que j’avais plus enquillé de la sorte. Pas loin d’un mois dans ce rafiot pourri. On se demande comment il flotte encore le bordel. J’ai l’impression d’être devenu un de ces poiscailles difformes qui planquent leurs sales gueules préhistoriques sous les rochers. Du poisson à remonter tous les jours. Du ragoût de poisson à becter tous les jours. Plus de goût dans la bouche, plus d’odorat. La face tellement bouffée par le sel et le soleil qu’on dirait un chêne centenaire.

Ces cons-là savent y faire. Ils nous filent la moitié du salaire au moment de l’escale. Tout le monde sait bien qu’on va se précipiter dans le premier bar à putes de la jetée. 26 jours à boire de la vinasse tiède et à se branler sur une photo de soubrette qu’un des gars a eu le chic de faire tourner.
Je m’imagine enchaîner les verres de ginja devant des croupes portugaises. Le bateau pénètre l’embouchure du Tage. On est intenables. La soirée s’annonce salace et je sens déjà mes bourses se vider. Je me lèverai le lendemain, fauché, mais soulagé. Obligé de reprendre le large et cette satanée besogne pour gagner ma croûte.

L’océan agité aspire les âmes. Il nous dépouille du peu d’humanité présente dans nos cœurs vagabonds. Nous laisse à la merci de nos besoins primaires.

Merde, voilà que je cause comme un philosophe.

Les gars s’enfilent des rasades sur le quai de débarquement quand je débarque à mon tour. (suite…)

Poésie estampe nature peintre

Estampes rurales

5 mots imposés : expression/tentative/promettre/perle/certains

 

Délicat canva qui se révèle à qui veut bien se laisser faire,
Dans un tourbillon de teintes, un pantone mouvant et éphémère,
L’éclat céleste serpente sur les collines graciles,
Tout comme le vagabond guidé par une nature volubile.

Le sépia s’ouvre sur l’ocre puis viennent les premières gelées,
De la rouille naissait enfin d’onctueuses taches pourprées,
Les transitions sont fluides, à l’évidence instinctives,
Un dégradé subtil coule sur la toile passive.

Au grès des éléments et de certains caprices,
À chaque recoin l’encre s’immisce,
Des perles colorées, comme tentative de peindre,
Une évidence qui se meurt peu à peu sans geindre. (suite…)

forrest-gump-poésie

Cours !

5 mots imposés : désolé/cirque/nœud/ville/peu

Te souviens-tu de nos prières, de ton désir de voler ?
S’extirper de la misère pour enfin respirer,
Hors d’une foule grégaire toujours plus pressée.
Des matinées de calvaire à se faufiler.

Agenouillés dans l’herbe, les mains jointes,
Loin de la ville acerbe et ses heures de pointe,
Ma peau encore imberbe, ton sourire en demi-teinte,
Je suis à court de verbes, ces souvenirs m’éreintent.

Tes murmures timides dessinent d’élégants projets,
Une musique fluide pour mes ambitions étriquées.
Ton aura me guide, éblouissant les quolibets,
Qu’y a-t-il de plus stupide que la stupidité ? (suite…)

Reportage gilles et john

Gilles & John

5 mots imposés : banque/hélicoptère/ange/grille/gigantesque.

Pareils à de prodigieux arpèges entonnés avec fougue, les pales de l’hélicoptère se devinent dans l’atmosphère brumeuse. Des bourrasques de notes, maintenues fébrilement par une rigueur admirable. Les émanations délétères guident l’engin et John, son pilote, vers un gigantesque marasme. Bien qu’essoufflés, les évènements perdurent chaque semaine.

Ces rendez-vous mélancoliques d’une communauté inaudible, prônant les couleurs criardes et le brouhaha général pour harasser les têtes pleines d’ambition et de puissance.
Paralyser les corps pour raviver la réflexion, s’extirper d’un quotidien morne pour un acte concret, secouer l’ordre et la bienséance, renouer avec sa bestialité dans une société castratrice ou simplement défouler son jeune être sans repère ni avenir. Il est 17h passé lorsque du haut de son habitacle, John glane de son regard condescendant l’état d’excitation des cons et des sans-dents amassés. Afféré sur la place principale, il ne reste que le haut du panier. Il s’abstient d’illuminer la foule par l’épais jet de lumière que détient son arme à hélice. Il attendra que la journée se meurt complètement, emportant dans un dernier râle les espoirs de ces anges déchus. (suite…)

Rêverie exotique

5 mots imposés : antilope/décadent/plage/manchot/éventuel

Maintes fois, au réveil, mon crâne est plein de fantaisie,
Imprégné de songes éteints et de contes indécis,
Autant d’états singuliers, de germes de poésie,
Qui grisent votre âme et transportent votre esprit

Lors de mon dernier rêve, je m’étendais, très impudent
Sur une belle étendue, vaste et harmonieuse.
Et je l’étreignais – cette âme brûlante et capricieuse,
La recouvrant d’écume, d’un amour pâle et décadent.

Mon être était ardant d’une fièvre nouvelle
Qui s’exprimait sur elle de plusieurs façons :
Une suite de chocs, de caresses, de frissons,
Témoignage éclatant de mon amour fidèle. (suite…)

Jack London Poème Martin Eden

Jack Eden

5 mots imposés : rançon/porc/bicyclette/poisson/clignotant

De vil pilleur d’huîtres à gros poisson littéraire,
De bête de somme à vagabond de l’esprit,
De chercheur d’or à jeune marin aguerri,
De héros fictif à écrivain téméraire,

Préférant vivre que simplement exister,
Besognant sans relâche malgré ma condition,
Véritable goinfre d’un savoir en gestation,
La rançon de la gloire comme carotte agitée,

« J’accuse la course au profit d’appauvrir nos âmes.
Amis, camarades il est grand temps de faire route !
Ces porcs en cols blancs n’imaginaient pas sans doute,
Kyrielles de prolétaires parés pour le drame. » (suite…)

Exercice écriture poésie rimes

Aquarius

5 mots imposés : antilope/décadent/plage/manchot/éventuel

Enfanté par la mer, nourri aux embruns,
Échoué sur la terre, je lui tendis la main,
Prêt à devenir père de ce joli bambin,
Habitué à l’ère des bandits manchots radins.

Un naufrage inespéré sur ce sol maudit,
La plage, une maternité folle et meurtrie,
Ce paquetage ballotté m’isole des cris,
Un mirage auréolé de paroles bénies. (suite…)

Les gouffres sereins

Exercice avec cinq mots : Aquatique, pêche, incendiaire, corbillard, sauterelle

Comme un vase étroit, comme un corbillard étriqué, il avait le cœur débordant de mille choses ; des choses riches, alambiquées, teintées des plus vives couleurs. Ces variations, ces souffles interminables qui balayaient l’intérieur de son corps nonchalant, n’offraient guère de calme ou de répit. Ils refusaient à son jeune esprit la candeur et le goût des choses légères. Ils lui refusaient également les certitudes, les convictions futiles. La Nature avait fait qu’en son cœur régnait une agitation, un chaos infini. De celui-ci s’échappaient parfois des vapeurs sinistres, accompagnées de lave qui s’extrayait des cavités et se déversait sur les pentes attenantes. Avec les années, il avait pourtant appris à comprendre ce chaos, à l’écouter gronder, à deviner sa composition. Et si sa nature frénétique l’effrayait toujours autant, il savait désormais devancer certaines explosions. Quand elles étaient sur le point de se produire, il prenait le soin de s’écarter et s’enfuyait prudemment loin dans l’abîme. Loin, seul, dans cet espace infini. Les instants passés dans cet endroit étaient d’une extrême langueur et d’un réconfort providentiel. Il s’y laissait bercer, s’y perdait lentement ; il lui arrivait d’oublier le sort du monde et même le sien. Il y abandonnait sa force, sa vitalité, son destin. Il aimerait que le temps redoutable le délaisse, pour vivre ici des heures plus longues, et que l’éternité se laisse poindre, un jour.

Certains êtres resteraient blêmes devant pareil spectacle. Il faut être d’une constitution particulière pour apprécier une telle profondeur. Et qui pourrait blâmer les esprits inquiets ; ici, pour certains, le silence était pareil à un feu sournois qui berce et consume. C’était justement ce silence qui l’avait séduit. Comme s’il goûtait à un souvenir heureux, comme s’il retrouvait un sentiment déjà connu. Et quand s’animaient en son cœur des pensées funestes, des colères incendiaires – ces choses qui vous rongent, il déversait la sève malade dans cet espace limpide.

Un jour, quelqu’un d’autre s’aventura dans cet univers. Il avait l’apparence d’une sauterelle. Il était silencieux et restait là, non loin. Rien ne le bouleversait. Et quand parfois l’autre se libérait de sa bile noirâtre, il restait impassible, observant à peine le remuant spectacle. Parfois, ils parlaient ensemble. L’autre lui racontait sa vie, lui décrivait les mouvements qui composaient son cœur et lui parlait de choses qu’il ne disait à personne. Rien n’affectait l’insecte. Il écoutait si bien, que plus jamais ils ne se quittèrent.

F.L.

Exercice d'écriture Fable Mérou Sauterelle

Fable : La sauterelle et le mérou

5 mots imposés : aquatique/pêche/incendiaire/corbillard/sauterelle

Par une onctueuse soirée automnale, la sauterelle et ses congénères survolent avec vigueur les derniers pans de terre de la Sardaigne. Il n’est jamais chose aisée que de traverser la méditerranée. Bien qu’évoluant en un nuage magistral et informe, nombre de camarades y ont laissé leur vie.
Les récits leur rendant hommage se transmettent avant chaque départ pour des régions plus accueillantes. Rien n’entache cependant la persévérance des sauterelles, une espèce fière, courageuse, mais surtout terriblement bornée. Qu’importe les risques de tornades, de pluies intenses ou l’attaque fugace des mouettes, le périple prend place.

Une douzaine de kilomètres séparent les deux côtes. L’amas d’insectes, extrêmement dense, avance en trombe. Les individus au coude à coude ne font qu’un au-dessus du dédale aquatique.

Une sauterelle peine à se contrôler, elle désire ardemment se frayer un chemin jusqu’au peloton de tête. Depuis la sortie de son état de larve, elle n’a pas froid aux yeux et s’arrange pour être de celles qui mènent et non de celles qui subissent. Le groupe des chefs est proche, mais elle ne parvient pas à les atteindre. Son seul moyen est de s’extirper du nuage, le remonter et le réintégrer à son point de départ. Bille en tête, la sauterelle exécute son plan. Mais, la naïveté de sa jeunesse fougueuse lui saute bien vite au visage. À peine eut-elle quitté son groupe qu’elle voltige avec la force du vent, peinant à se rétablir, elle reçoit les restes incendiaires d’un coup de tonnerre qui lui brûle l’extrémité des ailes. La voilà qui chute en chandelle tel un Icare de pacotille non loin des îlots morcelés des bouches de Bonifacio. (suite…)