Le quart d’heure cynique

Le quart d’heure cynique c’est 15 minutes au cours desquelles se mêlent sudation et création, réflexion et composition, improvisation et production. On joue à positionner des mots pour une juxtaposition de joutes littéraires.

Les nonnes

Six vieilles nonnes étranges
Aux mâchoires longues et sordides,
Valsent au milieu d’une grange
Au toit fort, large et solide.

Sur ce plafond frappe l’averse,
Qui sonne le glas des légèretés.
Les secousses n’étoufferont pas leur hardiesse
Et les dévotes danseront pour l’éternité.

F.L., Quart d’heure cynique

 

Les-Amarres

Les amarres

Alors que j’admirais les vastes écumes
Au bord des rivages froids et verts
L’âme plus lourde qu’une enclume
Transi dans le sable glacé de l’hiver

Quand soudain une créature splendide
Fendit les vagues et les embruns,
Érigeant un chemin jusqu’à mon cœur timide
Moquant la houle et les gouffres malins

Comme guidée par une entité divine
Elle progresse avec grâce et insouciance
Ses courbes partiellement voilées par une brume marine
Exaltent mon imagination et titillent mes sens

Je demeure pantois face à ce cadeau insolite
Tant de bonté réunie en une situation incongrue
La gratitude m’envahit, la méfiance me quitte
Aucunes tergiversations ne nourrira l’imprévu (suite…)

Concours nouvelle écriture

Le bossu de notre rame

Voûté et hagard, il débarque dans le tintamarre du hall de gare. Le visage bouffi et luisant, il avance d’un pas lent mais décidé. Une fois en place, seul les doigts en mouvement pianotent le rectangle lumineux. Un visage congestionné, souffrant de reliefs turgescents qui reste de marbre. Le train poursuit sa course programmée défiant la pénombre naissante. Il semble s’épanouir, esquissant presque un sourire alors qu’un bleu luminescent inonde son être courbé. Une nuque bombée qui fusionne avec un crâne focalisée sur un bruit blanc constant. Un bourdon qui trompe l’inaction et annihile toute réflexion. Les néons luttent pour délivrer un éclairage décent. Les courts-circuits permanent tentent avec ardeur de les déstabiliser.  Cette guerre perdure dans un climat d’indifférence. Inconscient de ce qui l’entoure, le bossu est figé dans l’instant. Habitué aux agressions des sens depuis son enfance, il avance docilement dans les artères artificielles. Un autiste euthanasié qui voudrait se dématérialiser. Une fois l’écran condamné à un repos cyclique inévitable, il tente de se réhausser. Constatant avec passivité que son corps s’est démultiplié. Des clones disgracieux et penchés qui ne semblent pas le remarquer. Il descend au prochain arrêt en quête de ressources pour sortir son appareil d’une veille insensée.

L.P

Chill-california-cadillac

Lignes vertigineuses

Tout est plat. Une couche de ligne apaisante au premier abord mais les teintes couplées à quelques détails dévoilent une vérité toute autre. Un laurier rose en pleine floraison tente non sans peine de masquer cette triste scène. Les morceaux de pétales étalés sur un court de tennis bleu azur laissent à penser que la rosée vient d’accomplir son travail journalier. Les lignes de jeu d’un blanc immaculé nous amènent vers la mer, vers l’horizon. Un fin trait de verdure posé sur le sable démarque l’eau de la terre.

Cependant, son absence de relief ne nous laisse pas dupe. Une folle nuit s’est achevée sur ce paysage idyllique. De nombreuses lignes blanches ont précédé celle du terrain et le rouge floral nous rappelle désormais l’hémoglobine plus que le début du printemps. La Cadillac scintille au beau milieu de ce désastre matinal et les palmiers s’abaissent de honte ou d’effroi. La berline décapotable est entièrement vide, délaissée par ses occupants. Ils n’ont pas abandonné la vue pour des ébats plus cloîtrés. De sombres histoires de jalousie et de substances illicites ont entraîné un corps depuis les dancefloors de Beverly Hills jusqu’à un coffre de voiture. Une dernière virée avant une lente descente vers les tréfonds du Pacifique.

L.P