Elle avait besoin d’une pause. Après la succession de fashion weeks et autres défilés, elle s’octroie une escapade en solitaire sur la côte amalfitaine. Un rituel auquel elle se plie pour la troisième année consécutive. Un avion pour Naples, un train direct pour Salerne, suivi de 15 minutes de ferry la mène au petit village de Cetara. Naples est une ville bouillonnante. Sa vétusté témoigne d’un passé riche et d’une identité forte. L’effervescence, la crasse et le bruit sont érigés en art de vivre. Tout ce dont Sonja voulait s’écarter.
Loin de l’agitation d’Amalfi ou de la frime insensée de Positano, Cetara a gardé son authenticité. Un repère ancestral de pêcheurs, plutôt épargné par le tourisme de masse sur la Lemon Coast. Il y a bien quelques boutiques de souvenirs, mais surtout des camionnettes qui servent d’étales aux maraîchers et des voitures qui se croisent à peine dans les ruelles sinueuses. Le linge pendu aux fenêtres se laisse caresser par le vent, les draps ondulent sur les façades chamarrées dans une danse apaisante. Alors qu’elle grimpe la rue principale en direction des habitations, en retrait du port pour la plupart, elle croise un groupe d’anciens attablés autour d’un jeu de cartes. Dès son arrivée, elle ressent la même magie qu’à sa première visite. Les habitants s’alpaguent dans la rue, se parlent par balcons interposés. Ça sent le citron dans toute la ville. Une fragrance acide et sucrée, un peu comme la personnalité des Italiens du sud.
Après avoir déposé ses bagages volontairement succincts au Bed&Breakfast, elle entame son séjour par un plat de scialatielli aux moules, arrosé de citron et garni d’un divin pesto de pistache. Ensuite, direction la spiaggia dei limoni, légèrement isolée, pour se détendre. D’origine suédoise, Sonja est élancée, le visage émacié, mais pas si maigre contrairement au standard répandu dans le milieu de la mode. Des cheveux droits couleur blé, fauchés aux épaules, lui confèrent un air strict ponctué par cette moue caractéristique des top models. Chez Sonja, cette attitude n’est pas synonyme de condescendance, c’est plutôt un contrecoup des désillusions que lui a apportées l’écosystème de la haute couture. Ses lunettes de soleil aux verres opaques, achèvent de l’enfermer dans l’état apathique engendré par le rythme soutenu des derniers mois. L’appréciation de l’instant, la plage de galets, le subtil ressac de la mer Tyrrhénienne et ce ciel d’un bleu presque inaltérable, ravive un peu de sa vitalité. Lorsqu’elle sort de l’eau, plaquant ses cheveux et regagnant sa serviette d’une démarche involontairement cinématographique, elle croise le regard d’un Italien assis à côté du moteur d’un petit bateau de pêche. Elle reconnaît ce jeune homme brun à la peau tannée. Il avait tenté une approche l’an dernier. (suite…)
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