Hier
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours attisé les convoitises. Bien avant de comprendre les codes du désir, les jeux et les enjeux de la séduction, je voyais dans les regards cet éclat que je faisais surgir. Si j’en ai joué, c’était involontaire, guidée par une innocence infantile. Je n’y pouvais rien, c’est dans ma nature. Ma naissance fut un choc, pour mes géniteurs comme pour mon entourage. Un véritable séisme dans un décor si paisible. Ainsi, j’ai grandi dans de grands espaces, entourée d’une ribambelle d’autres enfants.
On nous appelait les enfants de la Terre. Sans doute par rapport à la rencontre de nos parents. Mon moment préféré était l’hiver, je pouvais sortir le grand jeu. D’un naturel coquet, je me parais de mon plus beau manteau et j‘observais l’attractivité, presque incontrôlée, que je provoquais sur certains. La vie était plutôt douce, à part quelques tumultes passagers, la cohabitation avec les Hommes se déroulait à merveille. Cependant, les yeux qui me scrutaient subtilement, de loin, avaient tendance à se rapprocher. Plusieurs personnes ont commencé à m’aborder, plus ou moins délicatement. Ils voulaient me connaître davantage, m’étudier, me sonder, alors je me suis autorisé quelques aventures.
Moi qui suis sédentaire, non par choix, mais parce que je suis ancré solidement au sol, je n’étais pas contre vivre des expériences pour casser le quotidien. Toutefois, il ne faut pas se méprendre. Le spectacle des saisons qui se succédaient devant mes yeux, ce panaché de couleurs, d’odeurs enivrantes, avait peu de chance de me lasser un jour. J’ai tout de même suivi avec intérêt l’arrivée de ces petits êtres qui ne tenaient pas en place ; qui grouillaient, fourmillaient et redoublaient d’inventivité pour remplir leur existence.
Je n’ai jamais eu à faire le premier pas. Les gens venaient à moi. Tout d’abord de rares curieux, des marginaux un brin fêlés à dire vrai ; attirés par ma beauté, mon danger et mon mystère. Il est vrai que j’en impose. Je n’ai jamais vraiment cessé de grandir et il arrive que les nuages côtoient la pointe de mon crâne. Ils ont été de plus en plus nombreux à s’intéresser à moi. Si la plupart demeuraient prudents, sages et conscients de leur chance, mais aussi de leur vulnérabilité, d’autres étaient tout bonnement aveuglés par leur intrépidité.
Aujourd’hui (suite…)
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