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Canicule et cœur glacé – histoire courte

Voici venu le moment de parler de mon crime. Non pas qu’une quelconque instance juridique m’y oblige. D’ailleurs, est-ce vraiment un crime ? Isolé de toutes circonstances, mon acte est odieux, j’en conviens. Mais laissez-moi vous conter les événements ayant fait naître en moi cette pulsion abominable.

Une chaleur harassante. De celle qui vous empêche de dormir. Qui vous étreint dès les premières lueurs du jour et qui resserre son emprise tout au long de la journée. L’atmosphère est lourde, pesante, au point de vous faire suffoquer et d’altérer votre réflexion, votre esprit de discernement. On sent une tension dans l’air. Les nerfs sont à vif lorsque la mollesse et l’oisiveté nous sont imposées.

Attendez chers lecteurs. Je ne suis pas en train de justifier mon forfait par une mauvaise nuit et quelques excès de température ! Je pose le cadre de cette journée épouvantable, voilà tout. La sueur perlait le long de mon dos. Dès lors que je levais le bras pour éponger mon front moite, une odeur acide et nauséabonde venait embaumer mes narines. C’était encore le matin. Les minutes semblaient des heures. C’est alors qu’à germé l’idée en moi.

Ma femme m’avait pourtant interdit de l’approcher. Elle connaît mes sautes d’humeur et mon absence de réflexion lorsque je suis à cran. À cet instant précis, je n’avais cure de ses injonctions. Toutes mes tentatives pour trouver de la fraîcheur furent vaines ou trop éphémères. Douche glacée, éventail, ventilateur qui brasse l’air chaud et autres subterfuges n’ont pas réussi à m’apaiser. J’avais un réel besoin de m’extirper de mon corps, de me focaliser sur autre chose. Aveuglé par mes envies d’évasion, par la nécessité d’oublier un temps cette touffeur qui m’oppressait, je me suis donc dirigé doucement vers l’objet de ma convoitise, vers le lieu défendu.

Elle était seule.

N’écoutant que mon instinct, j’ai saisi sa silhouette oblongue entre mes doigts suintants.
J’ai commencé à l’effeuiller avec lenteur, pour faire durer ce moment suspendu. Une fois ma bouche contre elle, j’ai senti une sensation de soulagement m’envahir ; puis, une myriade de frissons parcourir mon corps chaud. J’ai cru voir de la vapeur émaner de mes pores.
Ce sentiment de quiétude fut aussi bref qu’intense.

Aussitôt mon affaire expédiée, je courais me rincer la bouche et boire de grandes gorgées d’eau, comme pour laver mes péchés ; ôter toute trace de cet affront envers mon épouse.
Il ne me restait qu’à attendre son retour, rongé par le remords et de nouveau accablé par la fournaise de cette journée interminable.

Comment ai-je pu être aussi égoïste ? Aussi stupide ? Mettre en péril des années de vie commune pour quelques instants de plaisir ? La boule au ventre, j’élabore mentalement des excuses. Des pantalonnades toutes plus minables les unes que les autres.
Ma faiblesse quant aux pulsions qui me traversent ? Ce serait trop facile. La lâcheté des hommes face aux tentations ? Honnête, mais trop simple. Je ne peux néanmoins pas vivre avec ce secret, il est inscrit sur mon visage. Il me consume déjà après une poignée d’heures. Le mieux serait de tout avouer de but en blanc, et d’en assumer les conséquences. Je dois bien cela à ma femme. Voilà que j’entends la porte de l’appartement s’ouvrir.

À peine eut-elle pénétré à l’intérieur que je me jetais à ses pieds.

  • Mon amour, il est arrivé une chose horrible, je suis un monstre !

Je poursuivais mes lamentations en ponctuant chaque phrase d’un baiser sur ses pieds.

  • Mais enfin Jean, tu es devenu fou ?! Tu me fais peur, c’est la canicule qui te fait perdre la boule ?
  • Il y a de ça chéri, mais je ne veux en aucun cas masquer mon geste impardonnable derrière cette excuse. Rien ne pourrait expliquer mon acte, je suis tellement désolé. Je ne mérite pas ta présence à mes côtés.

Et voilà que je commençais à sangloter.

– Vas-tu te décider à me raconter ce qu’il s’est passé ?!

Blanc comme un linge et toujours agenouillé, je relevais la tête lentement en direction de son visage. L’air grave, j’annonçais :

  • En ton absence, j’ai mangé la dernière crème glacée.
  • J’en étais sûre ! Tu es vraiment incorrigible, je t’avais pourtant prévenu !
    Décidément je te connais par cœur, c’est pour cela que je suis passé en acheter en sortant du boulot.

Léon Plagnol

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