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Voyage à vélo en turquie – Jour 5 : Azdavay – Eflani

Le petit-déjeuner de l’hôtel est un peu frugal, il sera complété par un pain au chocolat réinventé. Deux barres plantées dans une brioche achetée à la boulangerie. Je crois que mon corps est toujours en quête de force pour se rétablir de l’étape interminable de la veille. Avant de partir, un homme nous invite à prendre le çay à la terrasse de son café. Une grande place ombragée avec en son centre une fontaine un peu kitsch dans laquelle barbotent deux tortues. Quelques vieillards sont attablés, en pleine discussion ou jouant aux cartes. On a l’impression qu’ils font partie du décor, laissant le temps glisser doucement sur leur peau ridée. Azdavay est une petite ville paisible, nichée dans les hauteurs du district de Kastamonu. La tentation fut grande de s’y attarder pour en essayer les fameux thermes.

Ahmet a passé 40 ans à Istanbul en tant que restaurateur. Il a fui la foule pour davantage de tranquillité. Nous nous rejoignons sur cette lassitude de la vie citadine. Même s’il est très fier de nous montrer des photos de son ancien restaurant, il n’en pouvait plus de l’agitation permanente, du bruit des klaxons et de la circulation infernale dans la mégalopole. Un ami à lui se joint à la conversation, nous bavardons un moment puis Ahmet propose de nous emmener voir un point de vue sur le canyon. L’approximation de nos échanges nous fait comprendre que c’est à une vingtaine de kilomètres. Nous refusons poliment, car cela représente un détour important sur notre trajet. En quittant la ville à vélo, nous apercevons un panneau indiquant 4 km vers le fameux point de vue, et uniquement de la montée. C’était finalement tout à fait faisable, surtout en voiture. Tant pis, ce sera pour une autre fois. Après recherches, il s’agissait d’une plateforme de verre offrant une vue vertigineuse sur le canyon Çatak.

L’un de mes regrets sur ce voyage sera sans doute le manque de temps. Le vélo permet tout de même de s’imprégner des paysages, d’appréhender certains détails du décor que nous traversons. Il intrigue et facilite les rencontres. Bien que nous prenions le temps d’échanger le plus souvent possible, car les occasions sont fréquentes et les Turcs d’une gentillesse inouïe, l’intensité des étapes ne nous permet pas de modeler complètement l’aventure au gré des invitations diverses. Nous sommes hélas rattrapés par les injonctions de notre vie professionnelle en France et les 15 jours de vacances que nous nous sommes octroyés pour construire cet itinéraire. Qu’à cela ne tienne, ce sera l’objet d’un prochain voyage ! Un voyage plus souple et surtout sans billet retour.

On attaque donc l’étape du jour par une route forestière peu fréquentée. J’expérimente ma première course-poursuite avec une meute de chiens. On nous avait prévenu que les chiens en Turquie pouvaient poser problème. Jusqu’à présent nous n’avions pas eu de mauvaise surprise, la plupart des molosses croisés étaient certes impressionnants, mais plutôt calmes. J’avais peu à peu abandonné mon projet de répulsif maison à base de vinaigre et de poivre. Yoann gardait un trépied télescopique à portée de main pour les éventuelles situations d’urgence. Le problème c’est qu’il me devançait d’une centaine de mètres lorsqu’un groupe de 4 chiens sortit d’une maison isolée à son passage, si bien qu’ils étaient à mon niveau quand j’approchais. Dès lors, j’ai réalisé mon meilleur sprint, l’adrénaline me procurant des ressources physiques insoupçonnées. J’étais à la fois heureux de voir mon frère au loin dégainant sa caméra pour capturer l’instant et apeuré au point de crier sur le dernier spécimen qui s’approchait dangereusement de mon mollet gauche. Malheureusement, cela n’apparaîtra pas en vidéo. La scène avait beau être épique, dans le feu de l’action, seules quelques secondes floues ont pu être capturées.

Plus tard, un autre chien suivra Yo en parallèle de la route depuis un champ en dévers sur notre droite. Assez proche du Kangal, sorte de gros chien de berger anatolien, il ne semble pas apprécier nous voir longer le troupeau de vaches qu’il garde. De mon point de vue, toujours à la traîne, c’est assez impressionnant. Seulement la course est à sens unique, car Yo ignore totalement qu’il est pourchassé. C’est une nouvelle fois à ma hauteur qu’il déboule sur la route. Surpris de m’y trouver il n’aura pas vraiment le temps de réagir.

La pause déjeuner s’effectue à Pinarbasi après seulement une vingtaine de kilomètres, néanmoins riches en émotions. Je goûte une soupe d’un noir opaque, constituée essentiellement de bouillon de viande, avant de retrouver l’un de nos plats fétiches : les manti. Nous échangeons avec quelques clients pour anticiper la recherche d’hôtel à Eflani, notre étape du soir.

On repart sous un soleil accablant par une longue et large route qui monte avec peu de paysages intéressants. Nous faisons tout de même un léger détour dans le superbe Horma Canyon pour une visite express. Un dédale de passerelles en bois permet de s’aventurer dans les gorges et de surplomber une rivière à fort débit.

Horma Canyon

Arrivée à destination, on nous propose de séjourner au Kervan Otel. Ali nous fait patienter avec un çay. Nous sommes installés dans un petit bureau, sur une banquette au cuir patiné. La fumée de cigarette d’Ali et son ami se marie parfaitement aux couleurs du soleil couchant. Les rais de lumière traversent timidement les stores, nous plongeant dans une atmosphère surannée. Ils me disent que je ressemble à un politicien turc avec ma moustache. Un certain Ibrahim finit par arriver et nous guide dans un autre établissement, une charmante auberge abritant un café exclusivement réservé aux femmes. Il adore notre application de traduction et souhaite se procurer la même. Nous échangeons nos contacts WhatsApp, Instagram, des photos et même une poignée de main avec le mukhtar (chef du village) qu’il alpague au loin. Il est aussi plombier et pilote de paramoteur.

Une fois installés, et après un passage à la pharmacie car Yoann commence à sentir une douleur au genou, nous trouvons un restaurant dans lequel nous terminons de délicieux restes d’aubergines farcies. Les Turcs mangent tôt, vers 19 h. Nous dînerons seuls avec le gérant derrière son comptoir. Je m’abstiens de goûter son yaourt salé qu’il me présente à même un large seau. Non pas par crainte d’être malade, mais parce que le Ayran traditionnel est vraiment très fort. Disons que l’on sent bien l’animal dont cela provient. De retour à l’auberge, Ibrahim nous accueille avec des sortes de Panini au cheddar et au suçuk appelés tout simplement toasts, accompagnés de boissons énergisantes. Plus tôt, lorsqu’il m’a demandé si j’avais faim, j’avais répondu oui. Je n’avais pas tout à fait compris qu’il souhaitait nous préparer des sandwichs. Nous mangerons donc un deuxième repas alors qu’il nous observe. C’est un peu étrange, mais il semble simplement très enjoué à l’idée de recevoir des voyageurs, au projet atypique qui plus est, dans son auberge. Nous conservons toutefois les sortes de red bull pour le lendemain afin d’éviter l’insomnie.

Auberge à Eflani

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