Les mercredis soirs de François Lillart

Récital Chopin – Éric Artz

Au cœur du VIe Arrondissement de Lyon, dans l’intimité de l’église Saint-Pothin, s’est déroulé jeudi soir un spectacle tout à fait singulier : celui d’une rencontre entre un artiste légendaire, un brillant interprète et une assemblée nombreuse et attentive.

Dans ce décor mystique et inhabituel, aux airs de couronnement nocturne, le pianiste Éric Artz a offert à la foule un repos, une bénédiction sonore. Le programme est parfait : seront uniquement joués des morceaux célèbres du grand Chopin. Le soliste, à la modeste renommée, apparaît rapidement comme un être sympathique. Ce dernier agrémente les différents morceaux d’anecdotes historiques ou personnelles, rompant ainsi avec la tradition sérieuse de la musique dite classique. 

Le cadre religieux pousse celui qui écrit à l’analogie facile ; celle de l’interprète, qui comme l’homme d’Église, transmet la parole providentielle et vient apaiser les âmes intranquilles, rassurer les hommes et les femmes en proie aux doutes obsédants et aux passions extrêmes.

Et la prestation est à la hauteur d’un programme qui me renvoie à mes premiers amours musicaux : d’abord, le Nocturne posthume en ut majeur (peut-être le plus éloquent) ou à cette caresse mélancolique viennent se mêler quelques notes du concerto pour piano n°2. Ensuite, la Fantaisie-Impromptu, qui tranche instantanément avec les ténèbres de la première pièce. Dans cette oeuvre, Chopin montre un visage plus conquérant, et le pianiste s’en sort toujours avec autant d’adresse. Vient ensuite le plus célèbre des nocturnes (qui à force d’écoute a malheureusement perdu sa saveur originelle), et en supplément le prélude en Mi mineur, lente et sombre descente dans l’affliction, jusqu’au final cathartique. Puis viennent trois études aux éthos variés (la puissance de la “Révolutionnaire” est toujours bouleversante), qui sont parfaitement maîtrisées par le musicien. À ces exercices délicats se succèdent trois valses (lesdites “Minute”, “ De l’adieu” et “Pure”), ces mêmes valses qui firent naître quelques années auparavant, cet amour démesuré que j’ai pour le piano. Enfin, l’apothéose ; l’épilogue romantique, la Polonaise héroïque, ou Chopin nous prouve une dernière fois que son oeuvre est d’une inestimable richesse. En guise de rappel, M. Artz exécute le troisième mouvement de la sonate dite “Tempête” de Beethoven, et clôture pour de bon cet épisode féérique, dans une atmosphère radieuse. On peut noter ce que ce dernier morceau introduit un contraste parmi les oeuvres jouées en cette soirée, et permet de distinguer la personnalité propre aux oeuvres de Chopin.

Transit par cette harmonieuse succession de vagues de notes, d’intermèdes didactiques et par la fraîcheur de l’église, la foule, au pied de la croix et du dôme enluminé, recevait comme un seul être ce précieux cadeau, et se retira une heure plus tard, la tête pleine d’ivresse, de poésie et de souvenirs.

F.L.

Douces feuilles mortes

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Tout commence par un poème de Prévert, doublé d’un air de Kosma. Puis les plus précieux talents de la chanson française (Montand, Piaf, Greco et Gainsbourg) l’on repris, embelli et l’on singulièrement décoré. Et enfin, ce poème de regret et son air amer sont devenus un standard du jazz.

Voici quelques remarquables versions, intemporelles, de la plus apaisée au plus animée :

Yves Montand :

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Un temps pour l’espoir

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Jean était allongé sur le sol. Isolé, quelque part au milieu d’un pré sauvage où l’herbe avait poussé en abondance, il avait contemplé les étoiles toute la nuit. A ce moment-là de l’année, il était possible pour les âmes les plus hardi de dormir avec le ciel illuminé pour seul vis-à-vis. Le vent avait soufflé une tournoyante berceuse, sur le cœur de la vallée. Les violents courants d’airs parcouraient chaque gorge sinueuse, grisaient les branches de leurs étreintes énergiques, et venaient mourir contre les parois abruptes, sous le regard impassible des constellations. (suite…)